Petites gens sans moyens ni ressources
Qui cheminaient en se tuant à la tâche,
Par l’eau du puits qu’ils prenaient à la source,
De leurs aïeux, ils portaient l’héritage.
Au fil des temps, produisant le terreau
Qui a formé puis nourri nos racines,
Ils ont vécu pour que naisse à nouveau
L’espoir forgé du feu des origines.
Ces inconnus cherchant leur devenir
Sur les sentiers rocailleux de nos pères
Ont succombé sans qu’un seul souvenir
De leur passage ait marqué notre terre…
Ces paysans à la glèbe asservis,
Ces millions d’âmes à jamais anonymes
Se sont dissouts, se sont anéantis…
En reste-t-il même une trace infime ?
Grains de poussière échappés du néant,
Ils ont borné leur époque et nous donnent
De leur empreinte érodée par les ans
L’éternité au cœur de chaque atome.
Ils sont en nous puisque nous venons d’eux
Car c’est par eux que s’est bâti le monde ;
Il sont en nous puisqu’il n’est pas douteux
Qu’en chaque objet leur passé nous féconde.
Pour l’ambition de roitelets
vengeurs,
Au sang versé de conflits imbéciles,
On a volé leur âme au champ d’honneur,
Grossissant le flot des morts inutiles…
Ces compagnons dont on ne sait plus rien,
À leur échelle et malgré les souffrances,
Ont engendré d’idée de citoyen
Qu’ils ont offerte au beau pays de France.
Nul ne saura ce qu’ils ont accompli
Pour le secret d’un regard d’un sourire
Tant va l’Histoire à la fin qu’elle oublie
Que tout s’enfuit : le meilleur ou le pire…
Serait-il vain après ça de penser
Que le présent paraît bien dérisoire,
Que dans ce monde on ne fait que passer,
Que tout le reste est par trop illusoire ?