Le mystère de Foncastel.

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Extrait 5

[…] La clarté déclinait. L’atmosphère s’était rafraîchie : le temps tournait à l’orage. De lourds nuages noirs s’accumulaient derrière les cimes et parfois un ronflement continu roulait en s’amplifiant à travers la formidable caisse de résonance que constituent les vallons. Main dans la main, Guillaume et Charlotte, appuyés à la rambarde, observaient en silence le vol désordonné des hirondelles et des martinets qui frôlaient l’eau du bout de l’aile. Tout à leur idylle naissante, ils avaient relégué au second plan l’énigme de la sphère.
    Un violent coup de vent secoua les feuillages. Le coup de tonnerre qui suivit les contraignit à s’extirper en toute hâte de cette torpeur bienfaisante. Déjà, de pesantes gouttes, encore éparses, s’étoilaient en heurtant le sol  : il était préférable de ne pas s’éterniser.
    La pluie commençait à tomber dru quand ils parvinrent à l’hôtel. La pénombre envahissait les rues et le ciel s’embrasait sous la fulgurance des éclairs qui baignaient sporadiquement les habitations d’un irréel flamboiement. Entrecoupé par les déflagrations successives, le crépitement de l’eau répondait au bruit de gorge des gouttières qui refluaient leur trop-plein sous l’intensité de l’averse. À travers la buée de la véranda, les deux amis contemplaient sans mot dire le déchaînement des éléments avec cet étonnement toujours renouvelé des simples mortels devant la fureur des cieux. L’intensité des lampes vacillait par instants, et l’espace d’une seconde, on pouvait craindre une panne générale. Il n’en fut rien. C’est en se retournant par hasard que Guillaume aperçut à l’entrée de la salle à manger le père de Charlotte qui les observait d’un œil aigu, presque inquisiteur. Il en informa discrètement sa compagne qui marqua un temps d’arrêt avant de se décider à aller le voir.
    Au déluge avait succédé une pluie fine : l’orage passait son chemin. Et alors que les caniveaux continuaient à charrier leur torrent de détritus, elle s’arrêta net ; rien plus qu’un glouglou inégal qui s’amenuisait au fur et à mesure que l’eau finissait de s’évacuer dans les conduites. Cela faisait presque un quart d’heure que Charlotte était en palabres, et à vrai dire, le jeune homme commençait à trouver le temps long ! Par moments, il glissait subrepticement un regard vers elle et la surprenait s’exprimant avec force gestes, ce qui semblait indiquer un désaccord. Il souhaita d’abord ne pas en être la cause, puis se ravisa ; rien de tel, après tout, pour se forger une opinion sur la force de caractère de sa nouvelle compagne ! Elle réapparut enfin, tout sourire, et sans que la moindre trace de colère n’apparût sur son visage.
    — Je suppose que c’est ce que l’on appelle le flegme britannique, dit Guillaume un peu décontenancé. J’avais l’impression que l’orage n’était pas qu’à l’extérieur. Me serais-je trompé ?
    — Oui… et non. J’ai souvent eu des relations conflictuelles avec mon père, mais comme je ne lâche jamais le morceau et que je suis sa fille unique, il finit toujours par faire machine arrière.
[…]

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