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— En Amérique ?
— Oui. Une expédition au Honduras dans la forêt
tropicale et dirigée par mon père. À la suite de légendes indigènes et
de divers recoupements, ils avaient réussi à identifier les vestiges
d’une civilisation précolombienne envahie par la végétation : la
cité du Dieu-Singe. Restait à organiser l’expédition. Pas facile !
De longs mois pour obtenir les autorisations… La composition même de
l’équipe avait été imposée par les pouvoirs publics et encadrée par des
militaires.
— En effet… C’est le genre de pays où il vaut mieux
s’assurer le concours des autorités, car si on est pris sur le fait, on
risque de moisir quelques années dans un trou à rats.
— Vous ne croyez pas si bien dire ! De plus,
les conditions étaient épouvantables : pluie, boue, bêtes
sauvages, piqûres de moustiques… Ajoutez à cela trois morts : deux
par accident et une morsure de serpent. De quoi casser le moral des
troupes !
— Ne me dites pas qu’ils ont fait demi-tour !
— Non, mais ils avaient l’impression qu’une malédiction rôdait autour d’eux.
— Et alors ? Qu’ont-ils trouvé ?
— Les vestiges étaient bien là, mais la plupart
recouverts ou enfouis dans la terre : de gigantesques blocs de
pierre, des statues de divinités mi-animales mi-humaines.
— Il s’agissait d’une découverte
extraordinaire ! Il ne me semble pas qu’on n’en ait beaucoup parlé
dans les médias…
— Ça, c’est une autre histoire. L’équipe d’une
douzaine de personnes avait établi un campement sur une plate-forme
pour la nuit. Ils étaient arrivés quelques heures auparavant, mais
l’installation avait été longue et fastidieuse. Mon père et son ami
s’étaient mis dans une tente, un peu à l’écart des autres ; malgré
l’humidité et les insectes, ils avaient réussi à se calfeutrer, quand
ce dernier a été pris d’une envie pressante. Inutile de vous dire qu’il
valait mieux être équipé pour sortir et regarder où l’on mettait les
pieds ! Au bout d’un moment, alors qu’il commençait à s’inquiéter
pour son absence, mon père a vu revenir son confrère dans un état
d’excitation inhabituel. D’abord, il ne comprit pas ce qui en était la
cause. À mots couverts pour ne pas éveiller l’attention, l’autre lui
expliqua qu’une dalle avait en partie basculé sous son poids et qu’avec
sa lampe, il avait aperçu un espace suffisamment large pour qu’un homme
pût s’y glisser.
— Nous voilà en pleine aventure : Indiana Jones n’a qu’à bien se tenir !
— J’ignore comment les faits se sont précisément
déroulés. Toujours est-il qu’ils sont partis en toute discrétion pour
ne pas alerter les autres membres de l’expédition, peut-être aussi pour
leur brûler la politesse.
— Bizarre, tout de même, cette dalle qui bascule au moment opportun. Une curieuse conjonction de hasards…
— Qui vous dit qu’il s’agit de hasard ?
Parfois, j’arrive à en douter. Cela dit, la région est soumise à de
fréquents séismes. Ceci peut expliquer cela. Pourtant, même attirés par
le mystère, jamais ils n’auraient imaginé une pareille découverte. Tout
à l’heure, vous avez utilisé le mot « extraordinaire ». Je
crois que le mot « fantastique » conviendrait mieux.
— Quel suspense !
— D’après le cahier, quelques marches, un couloir d’une dizaine de mètres…
— Avec des mygales ou des serpents venimeux, puis toutes sortes de pièges…
— Soyez sérieux. Le couloir débouchait sur une pièce
plus large avec en son centre une statue du Dieu-Singe, assis sur un
trône et tenant dans ses mains une boule assez volumineuse. Et c’est à
partir de ce moment que tout a basculé dans le fantastique, comme je
l’évoquais tout à l’heure. Quand le faisceau des torches a éclairé la
statue, cette boule a commencé à émettre une lueur.
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