[…] Des
gémissements, presque une plainte… Est-ce drôle ? Ouba regarde son
maître avec insistance, et tout en continuant ses lamentations,
manifeste le désir de quitter l’endroit. Le vent s’est levé. Un nuage
passe et doucement, la lumière décline, adoucissant les ombres et
rendant plus compacte encore la foule assemblée. En même temps que la
mélopée s’est intensifiée, son rythme s’est accéléré ; le bruit des
voix se fait plus distinct. Gaoh a l’intuition d’un événement imminent.
Là-bas, les bras tendus implorent une divinité. Le Dieu-Taureau va-t-il
se manifester ? À l’image de ce cœur qui lui soulève la poitrine,
le garçon a le souffle court. Oppressé, il interroge l’azur pour y
découvrir un présage et… oh !
Au prix d’un indicible effort, il tente de ne point
succomber à l’effroi qui le gagne. Le ciel s’assombrit ! Un
phénomène inimaginable, à vous glacer le sang, est en train de
s’accomplir devant ses yeux médusés. Malgré la bravoure et l’énergie
qu’il a démontrées jusqu’alors, un tremblement irrépressible agite ses
membres et lui fait passer des frissons sur la peau.
Bien que l’horizon soit dépouillé du moindre banc de
brume ou de nuage et que la matinée, juste entamée, s’annonce
éclatante, le soleil est en train de disparaître ! Et lentement,
le jour faiblit tandis que les chants prennent une ampleur
particulière. Pressé contre le rocher qui le protège, Gaoh perd toute
notion de bon sens. Il serre les doigts et par un bref interstice tente
d’entrevoir l’astre qui s’éteint. Tandis que la nuit tombe et que
l’écho renvoie les clameurs, au-delà de l’incompréhension, un sentiment
d’impuissance et de désespoir lui écorche la raison. […]