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En effet, émergeant de partout et de nulle part, parfois couverte par
les éclats du tonnerre, une rumeur leur parvenait, un chœur mystérieux
composé de voix semblables aux sonorités d'un orgue gigantesque, dont
l’amplitude et les variations enflaient par intervalles, ne
s’identifiant à rien de connu.
Robert s’était figé ; on le devinait livide à
travers l’éclat de la lampe, animé de pensées contradictoires. Les
autres le scrutaient du regard, habitués qu’ils étaient à son
implacable logique, espérant une réponse plausible et de ce fait
rassurante. Sans un mot, il se leva, arpenta la pièce de long en large
jusqu’à la limite de l’obscurité, s’arrêta, tourna la tête de droite et
de gauche et poursuivit son inspection. À plusieurs reprises, il répéta
les mêmes gestes, sortit quelques secondes puis revint vers ses amis,
l’air satisfait.
— Fabuleux… Ce que vous entendez, ce ne sont pas des
plaintes d'outre-tombe, mais une combinaison particulière entre le vent
et le site même où nous nous trouvons ! Le principe de la flûte de
Pan : aussi étrange que cela paraisse, le vent qui prend à travers
les jointures et les interstices d’une part, et de l’autre, je suppose,
entre des rochers.
— Le vent ? Il n’y en a plus !
objecta Alain. Tout à l’heure, il soufflait en tempête et pour autant
que je sache nous n’avons rien remarqué…
— Justement. Une conjonction de phénomènes
selon une direction très précise. Plus qu’une question de force il
s’agit d’une orientation spécifique qui, occasionnellement, donne ce
résultat pour le moins surprenant, je vous l’accorde !
Robert continuait sur sa lancée, à présent sûr de lui :
— Les voilà les plaintes du vieux fou ! Malevent le bien nommé, le château des courants d’air…
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