Selon que vous serez puissant ou misérable

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Extrait 4

[…] Ils ne s’étaient pas trompés : les entretiens réalisés par les policiers avaient eu le mérite de faire bouger les lignes ; ils avaient écarté les écrans de fumée que les auteurs du crime — directs ou indirects — avaient disséminés çà et là pour masquer leur passage. Bien entendu, la perquisition demandée par voie expresse avec l’appui du procureur n’avait rien donné chez Dizieux, à l’exception de la pochette-surprise des photos qu’il s’était proposé de fournir aux enquêteurs, pour preuve de sa bonne foi. Sa ligne mise sur écoute, le jeune homme se méfiait, et ayant vraisemblablement prévenu ses relations de ce danger potentiel, évitait toute équivoque lors de ses appels.
    Enfin, le travail de fourmi des enquêteurs finit par s’avérer payant : avec persévérance, en remontant l’historique des communications téléphoniques lors des semaines précédentes et en épluchant cette liste, il fut établi qu’un appel — un seul — concernait le numéro personnel de Delperret. Cette mise en évidence confirmait ainsi l’intuition des deux collègues et leur fournissait un début de preuve.
    Mais à ce stade de l’enquête, la route était encore longue. Ils avaient d’un commun accord décidé de lâcher du lest au patron d’entreprise pour se concentrer sur Dizieux. Persuadé qu’il était à l’abri de tout soupçon, Delperret se trouvait à son tour dans le collimateur des policiers : aucune accusation formelle, évidemment, car au vu des relations de ce dernier et d’un éventuel informateur au sein des services de police, il valait mieux multiplier les précautions pour ne point entraver le cheminement des enquêteurs.
    Vérification faite auprès du Crédit Lyonnais, ce fut avec un net soulagement que Fabien apprit que Brégeois n’avait communiqué que son adresse professionnelle : la jolie Cécile, comme il l’appelait, n’avait donc pas menti. Le compte de dépôt justifiait doublement son appellation, car le magistrat avait pour habitude et de manière intermittente d’y déposer des sommes relativement modestes, mais qui, cumulées au fil du temps, lui avaient permis d’amasser un pécule de plusieurs dizaines de milliers de francs, il est vrai sérieusement amputé par le retrait que l’on sait. Quant à l’ouverture du compte, on ne pouvait que spéculer : trésorerie souterraine, certes, mais dans quel but ? En tout cas, pas d’autre retrait qui inclinait à penser à l’entretien d’une maîtresse…
    Parmi ses qualités intrinsèques de joueur impénitent, outre le poker, il fut confirmé que Dizieux s’adonnait régulièrement au tiercé. Il y misait des sommes rondelettes qui comme le reste se révélaient systématiquement infructueuses. À bien y réfléchir, il était plus que probable que les cinquante mille francs avaient servi à éponger ses dettes de jeu ; à moins d’un aveu de sa part, il faudrait mettre une croix dessus.

[…]

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