[…]
Les
deux policiers se dirigèrent vers l’ascenseur au fond du
couloir ; celui-ci en desservait un autre,
perpendiculaire au premier, et alors que la porte se
refermait, Fabien s’esquiva brusquement :
— Un truc à vérifier. On se retrouve en
bas d’ici cinq minutes.
Il se glissa derrière une cloison et
attendit que la minuterie s’éteignît pour s’approcher à pas
feutrés de l’appartement qu’ils venaient de quitter. Il
avait repéré un téléphone sur la table du vestibule et
subrepticement glissa une oreille contre la porte. Il ne
s’était pas trompé. À peine le dos tourné, le prénommé
Toussaint s’empressait de passer un coup de fil. Si un bruit
de voix lui parvenait bien, Fabien avait des difficultés à
saisir le sens de la communication ; nul besoin
toutefois d’être un grand détective pour deviner, même sans
les rares mots intelligibles, qu’il s’agissait de la visite
des policiers. Une mise en garde, à coup sûr, sans doute
pour coordonner les réponses dans la perspective d’un
interrogatoire à venir…
— Je ne m’attendais guère à trouver l’ami
Toussaint dans une piaule aussi luxueuse. Cette histoire
d’héritage, vous y croyez, vous ? Avec un nom pareil,
on est en droit de penser que les visites d’appartement se
soldent par un relevé de compteur autrement plus
lucratif ; vous m’avez compris ! Sous une façade
de respectabilité, bien sûr. Nous ferons bien de garder un
œil sur lui.
— Un peu tendre, pour un Corse ; je
l’aurais cru plus coriace, dit Perrichon. Peut-être un peu
la peur qu’on mette le nez dans son commerce.
— N’empêche que jusqu’à présent, j’ai
l’impression de ne pas avoir de prise sur les événements, de
me comporter comme une boule de billard qui rebondit sur les
obstacles : chaque fois que je crois tenir une piste,
je suis renvoyé vers une autre. Ça devient lassant.
— Il faut être plus positif. Le terrain a
été en partie défriché : mine de rien, en deux jours,
nous avons sacrément progressé. Sans trop le vouloir, notre
petit souteneur nous a fourni de précieux
renseignements : il est à supposer qu’une fois avertie,
sa soi-disant amie s’est empressée de contacter la personne
en possession du lot de photos, car je doute qu’elle-même
ait eu la possibilité de les monnayer.
— À moins que la personne en question ait
été directement informée par ce cher Toussaint. En tout état
de cause, il va falloir agir vite pour connaître le
destinataire de la communication, et le cas échéant les
appels effectués par son amie.
— Je m’en occupe demain à la première
heure. Il se trouve que je suis toujours en relation avec un
copain de régiment qui est haut placé aux télécoms. Au
besoin, je le contacterai pour faire accélérer les
recherches. Si tout va bien, j’aurai les renseignements
avant midi.