Fugue en Ré.

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extrait 9


    Les hommes se dévisagèrent, interloqués. Malgré l’écran que formait l’épaisseur des murs, le coup de feu, dont la provenance était difficile à évaluer, semblait tout au plus éloigné d’une centaine de mètres. Nul doute que cela concernait les deux complices qui venaient de quitter la pièce ; néanmoins, rien ne présageait, au moment de leur départ, qu’il pût y avoir entre eux une quelconque dissension, au contraire ! Que s’était-il passé ? Une foule d’interrogations se pressaient dans l’esprit de leurs congénères. Se pouvait-il que la police… ? Cependant, aucun mot ne fut échangé.
    Devant le danger de plus en plus crédible d’une intervention imminente, la détonation avait agi à la façon d’un déclic et comme un seul homme chacun se précipita pour récupérer ses affaires en un sauve-qui-peut général. Pourtant, une fois passé la porte, ils s’arrêtèrent à l’arrière de la maison, presque étonnés de ne point se trouver sous la menace directe des forces d’intervention.
    Les ténèbres étaient épaisses, et ne fût-ce le halètement saccadé des hommes aux aguets, nul bruit particulier n’en troublait le silence. Le lointain faisceau du phare qui brossait d’une pâle clarté les alentours, ne permettait point de distinguer quoi que ce fût. Aucune possibilité de dissiper les questionnements… Aussi, sans plus de commentaires, s’empressèrent-ils de s’égailler à travers les vignes, de crainte que le chemin principal n’eût été surveillé.
    Les coupures soigneusement pliées au fond de sa poche, Lionel n’en avait pas moins la peur au ventre : sa participation discrète au casse puis son rôle d’informateur ne lui avaient pas précisément valu la faveur de ses comparses. En outre, le Roux, auquel on l’avait recommandé à la suite d’une bagarre, l’avait contraint à prendre part au braquage de la banque : la protection du caïd n’était pas sans contrepartie…
    Tremblant d’appréhension, le cœur battant à tout rompre, il était prêt à jurer ses grands dieux qu’il s’agissait là de sa première — et dernière ! — contribution et se promettait bien de ne plus s’engager dans ce genre d’opération. Ne sachant où aller, ni même de quelle manière échapper à l’étau qui se resserrait, il maudissait le jour où il était tombé entre les griffes du patron que sa naïveté de jeune loubard avait un temps adulé.

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