extrait 7
Malgré
la pénombre, la stupéfaction se lisait sur le visage devenu exsangue de
l’homme qui, à l’instant même, la menaçait. Patrice se tenait les bras
croisés, nonchalamment adossé au cadre de la porte ouverte, dans une
posture de parfaite insouciance. Chose curieuse, il avait abandonné
l’uniforme et apparaissait en tenue de sport, ce qui, par-delà la
désinvolture affichée, donnait à la scène un aspect déroutant. Plus
déroutantes encore étaient les circonstances de son arrivée : il
avait surgi de nulle part, sans qu’aucun craquement ait auguré d’une
quelconque présence. Même René, pourtant en retrait, ne l’avait pas
entendu.
Passé la volte-face et l’effet de surprise, le
premier réflexe de René fut de porter la main à l’intérieur de sa
poche. Le claquement sec du cran d’arrêt… et une lame brilla entre ses
doigts. Puis il se tourna vers l’intrus, tenant ferme le poignard, bien
résolu à en découdre. Son compagnon n’avait pas bronché.
— À ta place, j’éviterais. Vrai, j’aurais dû de
le confisquer lors de notre dernière rencontre : c’est pas un
joujou pour un galopin de ton espèce… Tu risques te faire mal !
Le persiflage de son interlocuteur ne paraissait
nullement troubler le truand lequel, sûr de sa maîtrise et fort de son
expérience, arborait la même expression de cruelle détermination.
Bizarrement, bien que le danger le menaçât directement, Patrice n’avait
pas ébauché le moindre geste de défense. L’homme n’était plus qu’à un
mètre. Un lourd silence s’était instauré.
Le bruit soudain d’un moteur, un violent coup de
frein, une portière qui claque. Un quart de seconde d’inattention et le
lieutenant passait à l’attaque. D’un bond, il était sur son adversaire.
L’autre, surpris par la soudaineté de la charge, eut d’abord un geste
de recul avant de se ressaisir. Une feinte calculée : son bras
décrivit un crochet qui visait la gorge et que Patrice esquiva in
extremis. La lame lui effleura le visage. C’est à l’instant précis où
le bras de l’assaillant se trouvait en extension que la science des
arts martiaux affirma sa suprématie : en un éclair, saisie au
niveau du poignet, la main fut retournée, laissant échapper le couteau
qu’elle tenait, puis par un mouvement simultané de rotation et de
levier qui lui arracha un cri de douleur, le dénommé René s’écrasait,
la joue sur le parquet, cependant qu’un craquement sinistre indiquait
une cassure à l’articulation du coude. Un coup de pied dans l’arme qui
glissa dans un angle de la pièce. Le combat n’avait pas duré dix
secondes…