Fugue en Ré.

© Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.




 
extrait 7


    Malgré la pénombre, la stupéfaction se lisait sur le visage devenu exsangue de l’homme qui, à l’instant même, la menaçait. Patrice se tenait les bras croisés, nonchalamment adossé au cadre de la porte ouverte, dans une posture de parfaite insouciance. Chose curieuse, il avait abandonné l’uniforme et apparaissait en tenue de sport, ce qui, par-delà la désinvolture affichée, donnait à la scène un aspect déroutant. Plus déroutantes encore étaient les circonstances de son arrivée : il avait surgi de nulle part, sans qu’aucun craquement ait auguré d’une quelconque présence. Même René, pourtant en retrait, ne l’avait pas entendu.
    Passé la volte-face et l’effet de surprise, le premier réflexe de René fut de porter la main à l’intérieur de sa poche. Le claquement sec du cran d’arrêt… et une lame brilla entre ses doigts. Puis il se tourna vers l’intrus, tenant ferme le poignard, bien résolu à en découdre. Son compagnon n’avait pas bronché.
    — À ta place, j’éviterais. Vrai, j’aurais dû de le confisquer lors de notre dernière rencontre : c’est pas un joujou pour un galopin de ton espèce… Tu risques te faire mal !
    Le persiflage de son interlocuteur ne paraissait nullement troubler le truand lequel, sûr de sa maîtrise et fort de son expérience, arborait la même expression de cruelle détermination. Bizarrement, bien que le danger le menaçât directement, Patrice n’avait pas ébauché le moindre geste de défense. L’homme n’était plus qu’à un mètre. Un lourd silence s’était instauré.
    Le bruit soudain d’un moteur, un violent coup de frein, une portière qui claque. Un quart de seconde d’inattention et le lieutenant passait à l’attaque. D’un bond, il était sur son adversaire. L’autre, surpris par la soudaineté de la charge, eut d’abord un geste de recul avant de se ressaisir. Une feinte calculée : son bras décrivit un crochet qui visait la gorge et que Patrice esquiva in extremis. La lame lui effleura le visage. C’est à l’instant précis où le bras de l’assaillant se trouvait en extension que la science des arts martiaux affirma sa suprématie : en un éclair, saisie au niveau du poignet, la main fut retournée, laissant échapper le couteau qu’elle tenait, puis par un mouvement simultané de rotation et de levier qui lui arracha un cri de douleur, le dénommé René s’écrasait, la joue sur le parquet, cependant qu’un craquement sinistre indiquait une cassure à l’articulation du coude. Un coup de pied dans l’arme qui glissa dans un angle de la pièce. Le combat n’avait pas duré dix secondes…

RETOUR


debut