Fugue en Ré.

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extrait 6


    Aucune issue par le rez-de-chaussée. Seule alternative : l’étage. Aussitôt, c’est la fuite éperdue dans l’escalier, vers sa chambre où elle pourra se barricader, le temps d’alerter les secours.
    Mais l’homme a compris la manœuvre. Il est déjà sur ses talons. Au moment où elle veut rabattre la porte et tourner la clef, un pied en bloque la fermeture. Elle pousse de toute sa force et de toute son âme, il est le plus fort. Virginie sent ses pieds qui glissent sur le parquet. Elle a beau s’arc-bouter, centimètre par centimètre, le battant continue à s’ouvrir. À la fin, elle n’y tient plus et abandonne d’un coup, avant de sauter par-dessus le lit en se ruant sur la fenêtre. Elle y est presque ! Sa main agrippe la poignée de la crémone. Trop tard ! L’homme est déjà sur elle et paralyse son mouvement. Elle perçoit son odeur écœurante de transpiration et de tabac.
    Il la bouscule et la renverse sur le lit, puis dans le même mouvement, la retourne afin de lui immobiliser les bras. Elle a beau se débattre, lancer ses jambes de droite et de gauche, rien n’y fait : il pèse sur elle de tout son poids et parvient à la maintenir de la sorte. Chose curieuse, il ne dit pas un mot et opère méticuleusement, sans état d’âme, semblant obéir à un scénario bien rôdé. Virginie pense à ce moment qu’il va la violer et se met à hurler. Non. Pas encore… Un vague répit.
    Il enfonce sa tête sous l’oreiller pour étouffer ses cris, et tout en appuyant son genou sur ses reins, sort de sa poche une cordelette, puis sans relâcher sa pression, lui lie les mains en les croisant derrière le dos. La corde enserre et meurtrit les poignets de la jeune femme. Cette fois encore, elle se trouve à sa merci. Elle tente en vain de se redresser. Elle lutte avec l’énergie du désespoir, et malgré les sursauts de haine qui lui procurent un regain de force, elle n’arrive pas à se libérer de l’emprise physique de son agresseur.
    Elle le devine en train de fouiller dans une autre poche et constate avec horreur la présence d’une fiole entre ses mains. Elle secoue frénétiquement la tête, mais l’autre réussit de nouveau à l’immobiliser contre le bois du lit. Un bruit de liquide et tout à coup, un mouchoir contre son visage. Elle tente autant que faire se peut de se débarrasser de l’emprise, de bloquer sa respiration, mais la main reste ferme et fixée sur la bouche et le nez. À la limite de l’asphyxie, elle finit par inhaler le produit. Presque aussitôt, de vagues formes se mettent à danser devant ses yeux. Alors, les images et les sons se dissolvent dans un demi-jour grisâtre, puis tout finit par disparaître…

    Cette fois, rien ne peut plus la sauver. Rien ni personne… Ou peut-être ? A-t-elle encore le droit de rêver ?
    Patrice… Un mince espoir se fait jour, pareil à cette clarté qui filtre à travers les persiennes. Pourtant, ne lui avait-il pas promis qu’il répondait de tout, que rien ne lui arriverait ?
    Il viendra. Ce doit être une certitude. C’est une certitude. Pour elle, il remuera ciel et terre. Quoi qu’il se passe, elle doit croire en lui, envers et contre tout, pour y puiser sa force et son mépris du danger. Elle s’accroche à cet espoir. Il faut qu’elle s’en persuade : il ne l’abandonnera pas.
    Il viendra…

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