Fugue en Ré.

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extrait 5


     Il frappa. Aucune réaction. Il appuya sur la sonnette. Le timbre aigrelet résonna longuement. Sans plus de succès. Il appela. Toujours rien.
    Inquiet, il entreprit de faire le tour de la villa. Excepté le garage dont l’entrée était close, la maison, de construction ancienne, ne comprenait sur l’arrière qu’une seule porte qui communiquait avec une pièce faisant office de buanderie. Son sang ne fit qu’un tour : celle-ci avait été forcée ! Descellé, le pêne bâillait et le battant demeurait entrouvert.
    Le cœur tapant d’émotion, tous les sens en alerte, atténuant le grincement des gonds, il pénétra dans la pièce. Des oiseaux se chamaillaient dans un buisson voisin et leurs cris contrastaient avec le calme intérieur. Il s’avança avec mille précautions, sachant que l’effet de surprise était son seul atout.
    Le salon et le coin-cuisine étaient déserts. Patrice nota mentalement que tout était en ordre, un parapluie et le panier à provisions bien en évidence devant l’entrée. Seul, le manteau gisait sur le sol à côté de la penderie. Il avait beau tendre l’oreille, aucun son particulier ne lui parvenait. Il monta lentement l’escalier en essayant de ne pas faire craquer le bois. À mesure qu’il gravissait les marches, l’angoisse lui taraudait les entrailles. Malgré sa maîtrise, il ne pouvait contrôler sa respiration, pas plus que le martèlement sur ses tempes. Qu’allait-il découvrir ?
    Parvenu sur le palier, son anxiété s’accrut d’un degré supplémentaire. Il posa la main sur sa hanche : son arme de service… Non. Pas encore. À la dernière extrémité. Un tabouret renversé… Un filet de lumière glissait de l’entrebâillement d’une porte. Un silence oppressant. Un silence de mort. Allait-il oser le geste, pousser cette porte, basculer dans l’irrémédiable ? Les pensées se brouillaient. Si jamais il était arrivé malheur à Virginie, il se sentait capable de tout, y compris du pire. Rien ni personne ne pourrait l’arrêter.
    Brusquement, un vent de panique le submergea. « Mon Dieu, faites qu’il ne lui soit rien arrivé ! » songea-t-il. Un comble, pour quelqu’un qui n’était pas croyant ! L’envie de fuir, de dévaler l’escalier, d’appeler ses collègues à la rescousse. Il aperçut son visage dans un miroir : il eut honte de sa lâcheté. Il s’efforça de respirer profondément. Encore un pas… Instinctivement, il bloqua son souffle. Puis s’étant ramassé sur ses jambes, il bondit d’un bel élan sur le battant qui s’ouvrit d’un coup.
    La chambre était vide.

  

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