Fugue en Ré.

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extrait 2


    Tout en parlant, elle mesurait l’aspect dramatique de sa situation. Personne. La maison isolée. Impossible d’appeler. Elle pourrait crier, ça ne servirait à rien. Et les hommes le savaient.
    — Nous avons toute la nuit devant nous… et tout le loisir d’écouter ce que vous avez à nous dire.
    — Je vous ai tout dit. Je n’ai rien à ajouter. À quoi ça sert de vouloir me faire avouer ce que je ne sais pas. Je ne peux pas vous être utile. Partez.
    — Pas nous être utile… Hum ! C’est ce que nous allons voir. Mais d’abord, nous allons faire connaissance de façon plus intime. Déshabillez-vous. Nous serons plus à l’aise pour parler.
    Pétrifiée, elle s’entendit répondre :
    — Non, mais ! Vous plaisantez ?
    Elle regarda la porte d’entrée sur laquelle était fixée la clé. Un tour de serrure et elle serait libre… libre d’appeler au secours. L’homme avait suivi son regard et s’était reculé pour lui bloquer le passage. Sans s’émouvoir le moins du monde, il reprit :
    — Bien sûr. Nous sommes deux petits plaisantins… René !
    Un nouveau signe de menton en direction de Virginie. Comme un scénario déjà rôdé, le plus âgé s’avança. À peu près de sa taille, il la fixa dans les yeux. Il était repoussant, à la limite de la laideur. Elle respira son odeur, écœurante, et plus que tout son haleine avinée, mélangée au tabac. Un sourire cruel, un rictus de bourreau crispait ses lèvres et découvrait des dents jaunes. Il resta quelques secondes ainsi, et sans qu’elle eût anticipé le moindre geste lui asséna deux lourdes gifles d’un vif aller-retour de sa main baguée.
    — De deux choses l’une : ou bien vous vous montrez coopérative et tout se passera bien, ou bien vous résistez et mon ami René ici présent se chargera de vous faire obéir. Il en a l’habitude. Pas vrai ?
    Les joues en feu, le goût du sang dans sa bouche. En larmes, elle frissonna. Surtout, éviter la panique. Elle pensa à l’escalier. Si elle y parvenait, elle pourrait s’enfermer dans sa chambre, pousser des meubles et…
    — Qu’allez-vous me faire ? murmura-t-elle entre deux sanglots.
    — Les questions, c’est moi qui les pose. Ma patience a des limites. Allez, à poil !
    Paralysée de terreur, mais néanmoins lucide, Virginie continuait à supputer les chances qu’elle avait de leur échapper. Il lui faudrait tenter le tout pour le tout. Mais pas encore. Qu’avait-elle à perdre ? Se révolter ne lui servirait à rien. D’abord, endormir leur méfiance…
    À l’origine venus pour obtenir des renseignements sur le fameux sac, les gangsters avaient compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer de la situation, en profitant du fait qu’elle se trouvait seule dans cette maison à l’écart. Elle pourrait crier, hurler : personne ne l’entendrait. Tout en devinant leur jubilation intérieure, elle comprenait aussi que ces deux-là étaient des durs que pas grand-chose n’impressionnait.
    Lentement, elle enleva son gilet et le laissa tomber à ses pieds.
  

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