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Il est seul. Seul avec sa peur au milieu des ténèbres. Il passe la
tête, essaie doucement d’appeler, pour ne pas alerter les Démons de la
nuit. Sa voix se brise sur les rochers de l’entour. Ouba s’en est allé.
Pauvre de moi ! pense-t-il. Son premier réflexe est de se
recroqueviller au fond de l’abri ; mais, pareil à un bloc de
glace, il a l’impression d’être incapable d’ébaucher le premier geste.
Malgré la précarité de sa situation, la crainte qui l’étreint, la
raison même qui le pousse à ne pas rester sur place et l’urgence de se
réchauffer, tout concourt à le faire bouger. L’immobilité ne lui vaut
rien. Il a beau tenir son couteau de silex, protection dérisoire pour
se prémunir d’une quelconque agression, le serrer aussi fermement que
possible entre ses doigts engourdis, rien ne lui permet de juguler sa
frayeur. Tant pis. Il ne va pas rester terré comme un animal pris au
piège ! Alors qu’il se décide enfin à sortir de son refuge, il
devine un fin croissant de lune qui semble avancer au-delà des nuages.
L’épaisse voûte qui emprisonnait le ciel paraît se déliter en franges
éparses et des myriades de points brillants viennent la parsemer peu à
peu. Curieusement, outre la lumière tamisée qu’il diffuse, par son
unique et coutumière apparence, l’astre de la nuit lui procure une
sensation de réconfort qui débrouille un tantinet le désordre de ses
idées.
Le silence hante les pierres. Gaoh plus que tout
voudrait le combattre en osant un appel, mais sa voix ne franchit pas
le seuil de ses lèvres. Il agite ses membres ankylosés, et par des
mouvements répétés, durcit ses muscles en comprimant les poings ;
puis il décrit de larges moulinets de ses bras, et fléchissant les
jambes à maintes reprises, finit par sentir mieux. Sa vigueur juvénile
reprend le dessus. Pourtant le froid est toujours aussi vif.
Brusquement, il est alerté par un roulement de caillou. Conséquence de
la pluie ? Il tend l’oreille : un autre choc tout aussi
caractéristique lui permet de déceler une approche. Un animal, l’une de
ces créatures de la nuit ? Il s’accroupit, se met en garde, les
sens en alerte, ramassé sur lui-même et résolu à se prémunir de toute
attaque. Son cœur bat à tout rompre ; au-delà de ses propres
battements, il perçoit une respiration rapide et heurtée. Comble de
malchance, à ce moment, un nuage masque la lune ; mais juste avant,
fugitive apparition sur le ressaut qui lui fait face, il a eu le temps
de distinguer une silhouette massive aux oreilles dressées. Un loup…
Une peur ancestrale lui noue des entrailles et les histoires de son
enfance surgissent en un éclair d’angoisse au premier plan de son
imagination. Ceux que la montagne n’a jamais rendus…
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