La vallée des ancêtres.

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Extrait 3

[…] Il est seul. Seul avec sa peur au milieu des ténèbres. Il passe la tête, essaie doucement d’appeler, pour ne pas alerter les Démons de la nuit. Sa voix se brise sur les rochers de l’entour. Ouba s’en est allé. Pauvre de moi ! pense-t-il. Son premier réflexe est de se recroqueviller au fond de l’abri ; mais, pareil à un bloc de glace, il a l’impression d’être incapable d’ébaucher le premier geste. Malgré la précarité de sa situation, la crainte qui l’étreint, la raison même qui le pousse à ne pas rester sur place et l’urgence de se réchauffer, tout concourt à le faire bouger. L’immobilité ne lui vaut rien. Il a beau tenir son couteau de silex, protection dérisoire pour se prémunir d’une quelconque agression, le serrer aussi fermement que possible entre ses doigts engourdis, rien ne lui permet de juguler sa frayeur. Tant pis. Il ne va pas rester terré comme un animal pris au piège ! Alors qu’il se décide enfin à sortir de son refuge, il devine un fin croissant de lune qui semble avancer au-delà des nuages. L’épaisse voûte qui emprisonnait le ciel paraît se déliter en franges éparses et des myriades de points brillants viennent la parsemer peu à peu. Curieusement, outre la lumière tamisée qu’il diffuse, par son unique et coutumière apparence, l’astre de la nuit lui procure une sensation de réconfort qui débrouille un tantinet le désordre de ses idées.
    Le silence hante les pierres. Gaoh plus que tout voudrait le combattre en osant un appel, mais sa voix ne franchit pas le seuil de ses lèvres. Il agite ses membres ankylosés, et par des mouvements répétés, durcit ses muscles en comprimant les poings ; puis il décrit de larges moulinets de ses bras, et fléchissant les jambes à maintes reprises, finit par sentir mieux. Sa vigueur juvénile reprend le dessus. Pourtant le froid est toujours aussi vif. Brusquement, il est alerté par un roulement de caillou. Conséquence de la pluie ? Il tend l’oreille : un autre choc tout aussi caractéristique lui permet de déceler une approche. Un animal, l’une de ces créatures de la nuit ? Il s’accroupit, se met en garde, les sens en alerte, ramassé sur lui-même et résolu à se prémunir de toute attaque. Son cœur bat à tout rompre ; au-delà de ses propres battements, il perçoit une respiration rapide et heurtée. Comble de malchance, à ce moment, un nuage masque la lune ; mais juste avant, fugitive apparition sur le ressaut qui lui fait face, il a eu le temps de distinguer une silhouette massive aux oreilles dressées. Un loup… Une peur ancestrale lui noue des entrailles et les histoires de son enfance surgissent en un éclair d’angoisse au premier plan de son imagination. Ceux que la montagne n’a jamais rendus…
[…]

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