Un chanteur est parti...
Quel bruit fait un chanteur qui s’en va ?
Raymond Sciré, l’homme discret, celui qui ne voulait pas déranger, est
parti sur la pointe des pieds, laissant sa famille, ses amis, son
public pantelant, cherchant à se raccrocher à un rire, un souvenir…
Il n’a pas fait grand bruit en tombant cet arbre aux branches
chaleureuses. Il n’était pas du côté des grands médias, ni même de «
l’underground » chanson. A Grenoble, où il s’était retranché, sa «
Cathédrale de Strasbourg », son cheval de bataille, « Une idée à elle
», entre autres, restent dans la mémoire de ces gens, fidèles habitués
de ses tours de chant. Car, il faut le dire, Raymond chantait toujours
devant des salles pleines…
Il racontait souvent ses essais parisiens, les cabarets, les auditions
dans les maisons de disques. Il avait chanté devant Dutronc, pas encore
« Dutronc », alors assistant chez Vogue… Toutes les occasions manquées
lui revenaient quelques fois… Mais sur ce chemin de passion, les heures
dans la lumière étaient les plus fortes. C’était là l’essentiel… Il
était de ce temps où les mots contaient « sans compter ». Dès qu’il
apparaissait devant le micro, il était autre, mêlant les chansons du
patrimoine à ses compositions.
Sa voix demeurera, vibrante et présente. Mais il faudra se contenter d’enregistrements gravés ça et là…
Je n’avais pas les mêmes racines musicales, mais si je chante, il en
est certainement pour quelque chose. Je le voyais derrière la vitrine
de la cordonnerie familiale créée par son père arrivé de Sicile. Et je
me disais : « en venant d’ici on peut donc écrire et chanter ! »
En s’éloignant (mais est-il vraiment loin ?), Raymond a fait grand
bruit dans les cœurs de certains. Et ceux là aimeraient encore voir sa
silhouette caractéristique, son sourire, sa moustache…
Fermons les yeux, il est là, il chante à jamais…
Jean Lapierre
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