1
En raison d'un obscur litige
Concernant la bordure d'un champ,
Le Rat Débile et le Rat Méchant
Furent mandés comme l'exige
La loi, dans le but d'exposer
Leur différend devant le juge
Avant qu'un malheureux grabuge
Ne survînt entre intéressés.
2
Tout en bel ordre et bonne marche,
Chacun campait sur sa position
Déclarant user sans restriction
Du libre choix en sa démarche.
L'un, hostile à tout reniement,
Considérant son avantage,
Prétendait s'imposer sans partage
Ni fourbir le moindre argument ;
3
L'autre, entendant laver l'immonde
Et crapuleux affront par le sang,
Devenait d'autant plus menaçant…
Comme toujours en ce bas monde,
De bêtise en acharnement,
Ce détonant mélange occulte,
Tous deux faisaient un tel tumulte
Qu'on attendait l'embrasement…
4
Mais nul ne mit le feu aux poudres :
Sans répit, chacun résolument
Se cramponnait invariablement
À l'idée forte d'en découdre…
Manteau d'hermine et bonnet noir,
Grippeminaud aurait, l'apôtre,
Volontiers, croqué l'un et l'autre,
En n'écoutant que son devoir !
5
Pour lors, et dans ces circonstances,
En bonne et due forme, le Conseil
Par principe en un moment pareil,
Réunit ses doctes instances ;
Voyant qu'on n'y pouvait surseoir,
Afin de clore cette affaire,
Au jugement les adversaires,
Furent sommés de comparoir.
6
Grippeminaud, juge suprême,
Au tribunal enfin consulté,
Trancha de belle unanimité
Entre lui-même et donc soi-même
Par la pure confiscation,
En vertu de sa juste sentence
De tous les biens et dépendances
Placés sous sa juridiction !
Ainsi, à trop vouloir, on finit par tout perdre
Quand, pour quelques arpents, on est prêt au combat.
Les mêmes ambitions vont au même grabat :
Qui veut un mausolée se couche sous un tertre.
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