Dans les herbes glacées
par la faux de la nuit,
J’ai perdu la mémoire des étés finissants.
Les rives sont bien loin où pouvoir jeter l’ancre
Et ma barque laboure des nuages de cendres.
Avant de repartir, elle laissait sa main
Décalquer des colombes et des fleurs sur mon front ;
Ses baisers avaient tous les couleurs de l’automne
Quand je fermais les yeux aux flammes de ses lèvres.
J’ai perdu jusqu’au nom des arbres et des fruits ;
Que l’eau creuse un sillon derrière mon regard,
Je figerai le geste qui délivre les graines
Et ne sèmerai plus que les sous de ma peine !
Je restais accoudé à la croisée de bois
En ciselant des mots. Est-ce la dernière fois
Que je suivais vos pas dans l’aube des ornières
Et que vous emportiez mon cœur dans la lumière ?
L’avance du temps cloue un cercueil d’opéra
Sur les fonds bétonnés de roses et de lilas ;
Ils serrent mes chevilles et pendent l’infortune
Aux affres inconnues de votre chevelure.
Les pliures du corps sur le lit bien trop froid,
Le livre de poèmes que vous m’aviez offert
S’ouvre à la même page, un foulard sur la table…
Mais le feu s’est éteint dans les fontes de l’âtre.