Le regard vide, ils
entendaient
Des ordres qui les révoltaient,
Les poings serrés mais en silence,
Ils écoutaient sans rechigner :
Ils étaient ceux — vive la France ! —
Que le sort avait désignés,
Que le sort avait désignés.
Ils furent des milliers
À être sacrifiés :
Certains sont morts pour la Patrie
Ceux-là sont morts pour des conneries.
Ils n’étaient pas ces braves-là,
Pas des héros non, mieux que ça :
Des hommes. Hélas ! et pour certains,
Les vagues pions d’un simulacre
De guerre où sombrait le destin,
Les pions de ce jeu de massacre,
Les pions de ce jeu de massacre.
Ils furent des
milliers
À être sacrifiés :
Certains sont morts pour la Patrie
Ceux-là sont morts pour des conneries.
Morts pour la France ? Laissez-moi rire !
La peur au ventre, en point de mire,
Ils s’en allaient, usés, meurtris,
Trébuchant avec leur flingot.
Qu’elle était belle, la Patrie,
Surtout comme elle avait bon dos,
Surtout comme elle avait bon dos !
Ils furent des
milliers
À être sacrifiés :
Certains sont morts pour la Patrie
Ceux-là sont morts pour des conneries.
Ils attendaient comme on
espère
Quelque miracle au nom du Père ...
Ils ne seront jamais qu’un nom
Sur une pierre, un monument,
Un numéro de régiment
Dans le silence des canons,
Dans le silence des canons.
Ils furent des
milliers
À être sacrifiés :
Certains sont morts pour la Patrie
Ceux-là sont morts pour des conneries.
Qu’étaient-ils, ceux qui décidèrent
Par des attaques suicidaires
D’encourager cette tuerie,
Qui dissertaient de stratégie
De leur Q.G. bien à l’abri ?
Quel gâchis, bon dieu , quel gâchis,
Quel gâchis, bon dieu… Quel gâchis !
Ils furent des
milliers
À être sacrifiés :
Certains sont morts pour la Patrie
Ceux-là sont morts pour des conneries.
Mais leurs galons souillés de sang,
Du sang de tous ces innocents,
Ces assassins, ces criminels,
Pour leur courage exceptionnel
Eurent après coup tous les honneurs :
La gloire est fille de l’horreur,
La gloire est fille de l’horreur…