Pour avoir
supplanté tous les dieux de l’Olympe En imposant le vôtre et son
armée de saints, La Sainte Trinité, nébuleuse
en vos limbes Et pour avoir sonné des
nymphes le tocsin, Deo gratias.
Pour avoir inventé ce fatras
d’artifices, Ces formules bornées aux
rites rabâchés, Ces tours de passe-passe au
long du Saint-Office, Pour avoir si bien fait du
plaisir un péché, Deo gratias.
Pour vous être enrichis sur
le dos des plus humbles, Tout en prêchant, bien sûr,
Amour et Charité, Par la soif de pouvoir vous
avez à son comble, Bourgeois ensoutanés, poussé
l’absurdité ... Deo gratias.
Pour avoir ardemment chassé
les hérétiques, Ceux qui osaient penser
autrement que par vous, Pour vous être acharnés sur
le dos des sceptiques Sans admettre jamais que
l’on vous désavoue ... Deo gratias.
Pour avoir instauré la
torture en usage, Pour vous être institués à
l’ombre de la Croix En Sainte Inquisition, en
tribunaux de sages, Afin d’être crédibles et
pour que l’on vous croie, Deo gratias.
Pour avoir engendré les
pires fanatismes, Les peines, les tourments et
les assassinats, Les Saint-Barthélémy portant
l’obscurantisme Au faîte de l’horreur, aux
cris de hosannas, Deo gratias.
Pour avoir érigé en loi
l’inéluctable : “Ce que le Bon Dieu veut, il
faut bien le vouloir”, Par le joug d’une foi unique
et véritable, Déterminisme obscur aux
relents d’encensoir, Deo gratias.
Pour avoir assombri le
siècle des lumières Condamnant par principe
toute idée de progrès, Pour avoir dénigré le génie
d’un Voltaire Et cru pouvoir plier la
science à votre gré, Deo gratias.
Pour le droit de ces peuples
à présent qu’on proclame Par vous apprivoisés ou bien
exterminés, Ces autres différents et qui
n’avaient point d’âme, Sauvages asservis, soumis et
dominés, Deo gratias.
Pour avoir démontré qu’il
n’était de morale En dehors de la vôtre aux
mille contorsions, Pour avoir su garder votre
conscience égale Dans l’enchevêtrement de vos
contradictions, Deo gratias.
Et pour un, paraît-il, venu
sauver le monde : Ce fils de l’au-delà, venu
vous suppléer A si bien réussi que sa foi
nous inonde ! Pour ce dieu créateur que
vous avez créé, Deo gratias ...
Copyright Jacques Goudeaux - juillet 1992 / Dépôt légal SACEM
1998