Auguste
l’a encore grondé. Il lui a fait un numéro de mafieux à la colère
rentrée. Ainsi, Florent n’a pas appelé Sophie, la marchande de
tableaux. Crétin des Alpes. Les jours de gloire, c’est ainsi qu’il le
nomme, lointain souvenir d’une chute sur une piste de ski où Florent
avait enfin daigné s’aventurer pour faire plaisir à son ami. Plus
précisément, Florent avait perdu un pari et il devait descendre une
piste noire, lui, l’anti-sportif pour lequel une bleue suffisait à
l’amener à la folie frénétique d’un conquérant des pôles ou à l’extase
suicidaire d’un base-jumper. Là, après diverses implorations et prières
que n’aurait pas reniées un chrétien devant un lion, il s’était lancé
dans ce qui lui paraissait être une pure verticalité. Le drame eu lieu
au milieu de la piste. Le héros se reposait de son exploit. Conseillé
par son bourreau, il avait effectué quelques courageux virages, avait
frotté ses fesses sur les bosses, avait juré haut et fort, mais n’avait
pas mangé de neige ni déchaussé dans la pente. Debout et enfin stable,
il haletait, appuyé sur ses bâtons, lorsqu’un individu, surmonté d’un
énorme bonnet rouge, l’avait percuté violemment. La suite de la piste,
un grand mur tombant d’un jet au pied de la montagne, fut dévalée par
les deux lascars serrés inextricablement, roulant et criant, sautant et
fusant, comprimés dans ce qui fut vite une boule que les autres skieurs
esquivèrent tant bien que mal, comme des quilles prenant la fuite. Le
paquet arriva sur le plat final, chacun compta ses membres, tâta ses
contusions, mais il n’y avait pas de casse. L’agresseur s’excusa, tenta
de se justifier, avec conviction et talent. Evidemment, il était
désolé, évidemment, il regrettait, évidemment, c’était la première et
la dernière fois. ©
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