PRESSIGNAC (ENTRE 1888 et 1908)

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PHOTOS

Marguerite Tiffonet
École
1894
Lo Nanoun Milhaguèto
la place de l'église

Ces « tranches de vie à Pressignac» retranscrites ci-dessous sont tirées du recueil des souvenirs de jeunesse de Marie-Magdeleine Tiffonnet, dite Marguerite ou « Guiguite », épouse de Paul Michel, charron et pompier à Rochechouart.
Née en 1888 à Pressignac, fille d’un charron qui tenait en même temps une auberge avec son épouse, elle y réside jusqu’à son mariage à l’âge de 20 ans, en 1908.  Elle a rédigé ces écrits dans les années 1960-70, d’une belle écriture appliquée, dans un style familier, vivant et charmant.
Dotée d’une excellente mémoire, elle a ainsi fait  revivre non seulement les membres de sa famille  (ce que nous n’évoquerons pas ici) mais aussi les personnages, la vie quotidienne et les événements de sa jeunesse à Pressignac.
Cette commune d’aujourd’hui 400 habitants en avait plus de 1500 à cette époque. Cultivateurs, artisans, commerçants étaient nombreux. L’école désormais fermée comptait quatre classes bien remplies. Situé entre Chabanais et Rochechouart, le bourg voyait passer beaucoup de gens, souvent  pittoresques, qui  s’arrêtaient à l’auberge Tiffonnet et que Marguerite servait.
C’est cette population de la « belle époque », avec ses joies et ses peines, ses moments de labeur et de divertissement, qui revit dans ces extraits de souvenirs de celle qui fut ma grand’tante Marguerite. (avec l’aimable autorisation de son petit-fils, Michel Brethenoux).


Petite enfance et dévotions

Coiffes et sabots

Le mardi gras 





Le sonneur de cloche

Le saint-sacrement


La messe de minuit

L’énoisage

Les loups-garous


Un drame

Les incendies


Les soldats


Pierre l’Ermite





Marguerite Tiffonnet à 19 ans








Petite enfance et dévotions








« D’après mes parents , à ma naissance, (en 1888) j’avais un pied un peu de travers… C’était l’époque, quand les gens avaient quelque chose d’extraordinaire, surtout les enfants, de faire des dévotions à des fontaines. On y jetait des bouts de bois et chaque bois portait le nom de l’endroit où l’on pouvait faire la dévotion. Quand l’un d’eux s’enfonçait, il fallait partir dès le lendemain. On m’avait emmenée à Massignac ( dévotion à saint Paul, censé guérir les peurs des enfants) mais rien n’y a fait. On a ensuite été à Beynat (Corrèze) et de cette dévotion peu à peu mon pied s’est redressé.
Dans les berceaux, il n’y avait qu’un petit lit de paille de maïs et une grande ficelle qu’on attachait au bras de la maman. A chaque pas qu’elle faisait, ça berçait le tout petit et ça l’empêchait de pleurer. Personne n’avait le temps de le promener ni de le tenir au cou. »









Photo scolaire de 1894. Les écolières de Pressignac. Mais laquelle est Marguerite ?







Coiffes et sabots











« Quand j’allais à l’école, j’avais toujours un bonnet sur la tête, ainsi que toutes les petites filles, et une robe longue. Lebonnet de tous les jours était garni de ganses tout le tour et était noir. Pour le dimanche, c’était un joli bonnet de soie noire avec des rubans qui flottaient devant et derrière, larges comme deux doigts de la main, et ma natte pendait sur mon dos.

Tous les jours, j’avais des chaussures en bois, et mes frères aussi, et tout le monde. Le dimanche, c’étaient des sabots avec du cuir dessus , pour aller à la messe. Je n’ai eu des souliers que pour ma première communion.
A 14 ans, j’ai commencé à me coiffer en cravate, la mode est venue. Et le dimanche, la coiffe blanche. Vers 15 à 16 ans, j’ai posé la cravate pour me mettre tête-nue et faire un chignon un peu haut. Et le dimanche, jolie coiffe blanche à fleurs, un grand ruban très large attaché avec une jolie broche dorée. Et j’ai commencé à aller au bal avec cette coiffe. »
Les bals : « En dansant dans les bals, on avait toutes des grandes robes longues et larges. Ça tapait les unes dans les autres, et les garçons avaient des blouses qui se tapaient aussi les unes dans les autres. Ils avaient de grands chapeaux et des bottes et des sabots et ils tapaient très fort sur les planchers en dansant et tout le monde riait. On était toutes avec des coiffes sur la tête et de grands rubans blancs derrière qui voletaient sans arrêt ».







Le mardi gras











« C’est à l’époque du mardi gras que nous avions beaucoup de plaisir. Il y avait des équipes de garçons qui s’habillaient en femmes et des filles qui s’habillaient en garçons, et tous

 des masques. Ils rentraient dans toutes les maisons le soir, sans parler, rien qu’avec des signes. Mais on les reconnaissait vite. On faisait de gros pâtés de viande, de pommes et de prunes. On en mangeait quinze jours de temps. Les voisins qui n’avaient pas de four apportaient cuire leurs pâtés chez nous. »
La fontaine : « Pour nous ravitailler en eau il fallait aller trois ou quatre fois par jour à la fontaine qui est de l’autre côté du bourg. Je prenais un grand plaisir quand j’y allais. Il y avait toujours une équipe de femmes, de filles, et quelques garçons. Tout ce monde discutait à sa façon, c’était vraiment amusant. Je portais deux cruches avec un cercle qui les suspendait à hauteur de mes mains, et aussi avec un bâton sur l’épaule où les cruches étaient suspendues aux deux bouts. »           
      






L’éclairage












« Le soir, à la veillée, on avait comme éclairage des rouzis (chandelles) qui étaient plantés au milieu d’un bois fendu. C’était long comme une main, jaune et mince, et ça pétillait sans arrêt. Après, ça a été des bougies, et on travaillait le soir au tricotage ou au raccommodage avec une bougie. Après, ça a été des lampes à pied assez haut à essence. Ensuite les lampes abat-jour à pétrole, avant l’arrivée de l’électricité (en 1929) ».












Les marchands ambulants














« Le premier marchand que j’ai vu passer pour vendre de l’épicerie, on l’appelait le Caïffa. Il avait une petite charrette qu’il poussait à bras, une caisse carrée posée sur deux petites roues, bien garnie de tout. Le vendeur s’appelait Trarieux. C’était un homme du pays, assez amusant.On lui prenait toujours de l’épicerie et je pouvais ainsi manger du chocolat, du sucre et des gâteaux.

Il y avait des Italiens qui faisaient leur tour de France. Ils vendaient des statues d’église, des bénitiers, de jolis cadres avec des paysages, des oiseaux ou des personnages. Ils étaient deux à chaque passage. Ils avaient un chargement de cette marchandise qu’ils portaient tout ficelé sur leur dos et leurs épaules. Les gens étaient très pieux et presque tout le monde leur achetait quelque chose. Et sur les cheminées ou les commodes, c’était partout orné de ces jolies choses, et des cadres au mur. »













Les foires












« Aux foires de Chabanais (le 5 du mois) il y avait deux Noirs qui vendaient des bretelles pour hommes et des descentes de lit. Les gens ne cessaient de les regarder, ce qui les faisait rire et on voyait leurs jolies dents blanches. On ne comprenait pas bien leur langage et on faisait des signes pour leur acheter quelque chose.

Pour les foires de Suris (le 16 du mois) il y avait deux hommes qui venaient à pied de Saint-Auvent (à 20 km) manger et coucher à l’auberge pour aller le lendemain acheter des moutons. Et le soir, il fallait enlever tous les outils de l’atelier de charronnage pour y mettre coucher les moutons. Toute la nuit, les moutons bêlaient. On ne pouvait pas dormir.
Pour les foires de Chabanais, il y avait quatre marchands de bestiaux qui venaient de Nontron (à 40 km) à pied. Ils mangeaient et couchaient à l’auberge la veille et partaient à 3h du matin pour la foire. Ils revenaient le soir avec trois ou quatre paires de veaux qu’il fallait rentrer à l’étable. Et ils repartaient à Nontron à 3h du matin. Personne ne pouvait dormir dans le quartier !
Il y avait aussi trois marchands de cochons de Babaudus (entre Pressignac et Rochechouart)) qui entraient boire en allant à la foire de Chabanais et qui revenaient le soir pour boire et manger, laissant leurs cochons dans des charrettes à ânes devant la porte de l’auberge, sans les attacher.
Lorsque celles-ci s’en allaient toutes seules, ils sortaient en courant et en criant pour les rattraper ! »

















Les mendiants












« Il y avait beaucoup de mendiants qui suivaient les maisons. On les voyait plantés devant les portes qui regardaient à travers les carreaux. Ils attendaient qu’on leur donne du pain. Quelques uns faisaient peur par leur saleté et de gros sacs qu’ils portaient derrière le dos, et leurs grandes barbes.

 Il y en avait un, gros corps, grosse tête, large d’épaules mais des petites jambes d’infirme. C’était un chien attelé à sa petite charrette qui le conduisait.
Il y en avait deux, l’homme et la femme, qui avaient une vielle et qui jouaient devant les portes pour qu’on leur donne du pain ou des sous. Tous les petits du bourg les suivaient. C’était une vraie procession. »
( Il s’agit de ceux que l’on appelait le Milhaguet et lo Milhaguèto. Lui, grand et maigre, originaire de Milhaguet en Haute-Vienne, jouait de la vielle et imitait avec sa bouche le son des cloches de toute la région. Elle, « lo Nanoun », originaire de Maubayou de Saint-Quentin, petite et sale, en haillons, chantait. Ils récoltaient quelques sous après leurs prestations et les dépensaient rapidement à l’auberge. Leur chienne «  Rapide », les débarbouillait à coups de langue. Ils s’invitaient dans les bonnes maisons et dans les noces. Ils participaient aux concours des plus gros mangeurs de boudins lors des frairies.)

Lo Nanoun Milhaguèto














Les bohémiens














« Un beau jour, on voit arriver, en haut de la côte de la route de Rochechouart, une caravane de voitures couvertes de tentes, conduites par des chevaux. Aussitôt c’est l’alerte : des émigrés arrivent à Pressignac, on est tous perdus ! Les gens se procurent des fourches, des bêches, des bâtons et se placent devant leur maison. Il y avait une dizaine de voitures et les familles

 assez sauvages dedans ne se montraient pas. Ils ont traversé le bourg et plus loin, les gens qui étaient aux champs les regardaient passer, leur bêche à la main. »  



















La misère













« Jean Jeannot et Jean Calotte, tous les deux du village de Chez Martin, avaient bâti eux-mêmes leur maison en pierre , en terre et en genêts. Il n’y avait qu’une petite lucarne, plutôt un trou comme fenêtre. La porte était en genêts ficelés. La toiture était en genêts et en paille. Ils demandaient l’aumône à la sortie de la messe.

Il y avait aussi une famille, à Chez Martin, très pauvre. Le père faisait de temps en temps le maçon , mais les quelques sous qu’il gagnait étaient pour acheter du vin. Quand ils avaient bien bu, ils dansaient et chantaient toute la nuit dans leur cabane. Ils ne changeaient jamais de vêtements. »














Les colons ou métayers












 « La plupart des colons changeait de domicile tous les ans ou tous les deux ans. Quand le propriétaire n’était pas satisfait, il les faisait partir. La semaine de la Toussaint, ils déménageaient avec les charrettes et les vaches. Quand on allait à la foire, le long de la route, on ne rencontrait que des files de charrettes remplies de leurs meubles, paillasses, lits, coffres, lapiniers, poulaillers. Les familles étaient perchées au milieu, certains chantaient, les petits pleuraient. Ils mettaient toute une journée pour arriver à leur nouvelle demeure et croisaient souvent ceux qu’ils remplaçaient. »   















Le sonneur de cloche















«  Il y avait un homme du Grand-Bois, Raymond, qui allait assez tôt le dimanche à l’église (Saint-Martin) pour sonner la cloche (Marie-Antoinette). Il se laissait monter très haut, sans lâcher la corde, se balançait longtemps puis descendait d’un coup et tombait à quatre pattes. Les gens riaient. Il avait plus de 60 ans qu’il continuait encore ! »












Le saint-sacrement














« Quand il y avait une personne gravement malade dans la commune, la famille demandait au curé (Jules Brugerolles) de porter le saint-sacrement. C’était parfois dans
un  village à plus de 5 km. Le curé y allait à pied, avec le sacristain, par tous les temps. Dès qu’il sortait de l’église avec un petit tabernacle, le sacristain faisait sonner sa clochette. Quand ils entendaient la clochette, les gens sortaient vite des maisons, se mettaient à genoux, baissaient la tête et faisaient le signe de la croix. »















La messe de minuit












« Pour la messe de minuit de Noël, les gens des villages venaient nombreux et à pied. L’église était archi comble. Le « minuit chrétien » était chanté par un fils de Préville (du château du Bonéthève). Il avait une voix formidable. C’était vraiment merveilleux.Après la messe, toute une équipe de jeunes gens venait réveillonner à la maison. On tuait toujours un cochon pour Noël. On chauffait le four pour faire cuire les rôtis et les pâtés de viande. Après avoir bu et mangé, on chantait encore des cantiques. Ça durait jusqu’à deux heures du matin ».















L’énoisage










« On ramassait beaucoup de noix à la saison, et quand il fallait les casser pour les donner à l’huilier (Viroulaud puis Guinot) , on faisait chez nous un grand rassemblement de monde, cousins et parents. Il y avait 15 à 20 personnes qui venaient nous aider. Avec des marteaux, les hommes les cassaient, et les jeunes garçons et filles enlevaient les coquilles. De temps en temps on chantait et on blaguassait pas mal. Jusqu’à minuit on tapait sur les noix. Ensuite, il fallait réveillonner : pain , grillons, fromage. C’étaient des soirées très gaies. Mais le lendemain, il fallait que j’enlève toutes les coquilles qui étaient tombées sous la table. »


















Les loups-garous











« Tous les hivers, il y avait un homme de Suris qui venait travailler au charronnage avec mon père. Il avait un grand chapeau, une blouse et un tablier de cuir devant lui. On aimait bien l’entendre parler le soir à la veillée. Il nous racontait comment ça se passait dans son village. On parlait beaucoup des loups-garous à cette époque et ça nous intéressait bien. Ses parents ainsi que nos grands-parents en avaient vu se présenter à leur porte, habillés de peaux. »




















La lessive











« On faisait une grande lessive 3 ou 4 fois par an, de 60 draps. On avait toujours 4 ou 5 femmes du bourg qui venaient laver. Elles arrivaient le matin pas trop tard. Mon père amenait la voiture à cheval devant la porte et embarquait les femmes et le linge pour les descendre à l’étang de la Chauffie, puis il remontait. A midi je leur apportais un plein panier de ravitaillement dans un charretou où j’avais attelé notre chien César. On faisait une grande omelette de pommes de terre, avec des grillons, du salé, du pain, du vin, du fromage .Les laveuses étaient contentes de me voir arriver. Je mangeais avec elles sur l’herbe. Avant de repartir, j’aidais à étendre les draps sur les haies, le long de la route. Le soir, j’y revenais avec mon père et la voiture pour ramener le linge et les femmes.C’était nuit quand on arrivait à la maison et on se mettait à table assez tard. Il y avait toujours du lapin le soir. Les femmes parties , il fallait faire la vaisselle avec ma mère. C’est moi qui l’essuyais et la mettais en place. »










Un drame











« Il y avait une jeune fille qui emmenait paître ses vaches dans un pré traversé par un petit ruisseau. De temps en temps elle emportait le linge de la famille pour le laver.Un jour, il était midi et elle n’était toujours pas arrivée à la maison. Sa mère part au pré la chercher et trouve sa fille la tête dans l’eau, qui ne bougeait pas. Toute détraquée de la voir et de ne pas pouvoir la tirer, elle revient dans le bourg en criant : « Au secours, au secours, ma fille, ma fille ! ». Les gens du bourg croyaient que c’était un bandit qui l’avait attaquée. On prend tous des fourches, des haches, des bâtons et on court vers le ruisseau. Et on voit cette pauvre fille morte sur sa planche à laver. Les gens l’ont emportée chez elle pour l’enterrer le lendemain. Elle avait 24 ans. »















Les incendies











« Il y a eu deux incendies le temps que j’étais à Pressignac. Il fallait aller chercher les pompiers à bicyclette à Rochechouart. Il fallait des heures avant qu’ils soient arrivés. Les gens du bourg apportaient des seaux d’eau qu’ils jetaient où ils pouvaient. C’était presque tout détruit quand les pompiers arrivaient avec la carriole tirée par un cheval. Ils n’avaient que des seaux et des échelles.Tous les gens du bourg se rassemblaient, petits et grands, pour faire la chaîne. En prenant l’eau à la fontaine, on se faisait passer les seaux d’eau que les pompiers prenaient en bas de leurs grandes échelles et montaient à ceux qui étaient à la cime pour jeter l’eau sur les flammes.

Ça durait du soir jusqu’au petit jour. Les gens étaient accablés. Les flammes étaient arrêtées mais le brasier durait 8 jours. Mais les pompiers ne partaient pas d’abord. Ils venaient à l’auberge, ils s’attablaient pour déjeuner. Ils partaient vers midi après avoir bu de bons coups. Il fallait les aider à atteler leur cheval. Ils ne savaient plus ce qu’ils faisaient à cause de la boisson. »
















Les soldats










« Pendant quelques années, les soldats qui étaient à La Courtine (dans la Creuse, à plus de 150 km) partaient en manœuvres et venaient passer à Pressignac. Ils y couchaient une nuit. Il y avait des régiments à cheval et des régiments à pied. Pour la nuit, on mettait les chevaux dans notre pré, derrière la maison. Quelques hommes y couchaient, pour surveiller. Les soldats couchaient dans les granges, dans le foin. C’est pour le coup que les gens de Pressignac ne dormaient guère. Ils arrivaient le matin pas trop tard, musique en tête, avec des femmes cantinières. Les officiers et sous-officiers mangeaient dans les auberges et les soldats faisaient leur popote dans les granges ou les vieilles maisons inhabitées. Pour notre part, on avait une vingtaine d’officiers pour manger et 5 ou 6 pour coucher. Le matin, ils devaient repartir encore de bonne heure. Tous les gens du bourg étaient en l’air, tellement c’était joli à voir. Les soldats chantaient, musique en tête, et tous ces cavaliers à cheval, bien alignés, c’était magnifique !Les femmes cantinières suivaient avec les voitures à popote. »













Pierre l’Ermite











« Parmi les soldats en manœuvres à Pressignac, il y en avait un assez remarquable par sa parole et sa tenue. Les autres l’appelaient « Pierre l’Ermite ». Il était gradé. Lorsqu’il mangeait chez nous, on lui passait toujours les plats le premier. Il a demandé où habitait le curé. Il est allé lui demander s’il pouvait dire une messe dans l’église. C’était un curé mais habillé en militaire ! Comme c’était curieux de le voir en soldat, plusieurs personnes sont allées à sa messe et nous aussi et ses soldats aussi. Mais sitôt dans la rue on recommençait à lui dire « dis donc Pierre l’Ermite ! ». Les soldats l’aimaient beaucoup. Il était quelques années plus âgé que moi. Il aimait les rigolades. Il amusait tout son régiment. Plus tard, j’ai lu des journaux et des livres où l’on parlait beaucoup de lui. ».

Il s’agit d’Edmond Loutil (1863-1959) curé et prédicateur parisien, journaliste et écrivain sous le pseudonyme de « Pierre l’Ermite ». Il fut un romancier catholique à succès (16 romans à plus de 100.000 exemplaires chacun) dans l’entre-deux-guerres. Il était en manœuvres à Pressignac, car depuis la loi Freycinet de 1889, dite loi des « curés sac au dos », les ecclésiastiques devaient servir sous les drapeaux et effectuer comme les autres réservistes des périodes de manœuvres de quatre semaines (les 28 jours).












Le mariage de Marguerite













« Il y avait 150 personnes au moins à notre mariage qui s’est fait à Pressignac. Le curé est venu au repas, les instituteurs, les institutrices, le maire (Antoine Dumas) aussi. Il a fait très chaud ce jour-là, c’était en juillet 1908. On avait orné partout dans les granges. On avait mis des guirlandes de fleurs tout autour de nous. L’après-midi, quand tout le monde a eu mangé, on a été danser sur le communal, au-dessus du bourg. On avait balayé sous les châtaigniers un grand emplacement. C’était magnifique ! Les musiciens ont joué assis sur des troncs d’arbres. On est allés en cortège, bras-dessus, bras-dessous, pour y aller et pour revenir, musique en tête. Tous les gens étaient sortis des maisons pour voir. Ils n’avaient jamais vu un mariage aussi beau !

Le lendemain, encore noce, deux repas.A cette époque, il fallait tirer un oiseau avant que tout le monde parte. Un jeune homme s’est procuré un fusil, et suivi de plusieurs, ils sont allés en tirer un dans un pré et ils l’ont apporté sur une table pour que tout le monde le voit. Et les jeunes se sont mis à chanter.
Ensuite tout le monde est parti, et moi de préparer mes paquets de vêtements pour venir habiter à Rochechouart, chez les parents de mon mari. »










Pressignac à l’époque de la jeunesse de Marguerite


© André Berland. Pressignac, 2023
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