Ô vous les besogneux, les obscurs, les
sans-grade, Dévoués serviteurs, scrupuleux et
honnêtes Qui, l’arme au pied, sans hargne,
abaissez votre garde, Modestes, je vous aime. De par ce
que vous êtes,
Et pour ce que vous êtes. Quoi
qu’on en dise ou fasse… Intègres, vertueux, loyaux et sans
défiance, Peut-être sans éclat, mais sobres,
efficaces : Et vous seuls le savez, en votre
âme et conscience.
Que vogue la galère au gré des
malencontres ! Laissez vos illusions mollement se
bercer, Contre vents et marées,
laissez-les se morfondre En dépit des espoirs que vous
aviez versés. À l’abri des reproches, à l’écart des
louanges, Vous avez dû trouver un subtil
équilibre Et baisser pavillon. Combien ça
vous dérange ! Quel autre choix, sinon ?
Fatalistes, mais libres…
Quitte à serrer les dents, quitte
à courber le dos, Souvent exaspérés des excès, des
largesses Octroyées à certains comme autant
de cadeaux, Vous en avez conçu une sombre
sagesse.
Laissez aux jeunes paons dévorés
d’ambition Le soin d’y croire encore, ou
mieux de faire semblant : Zélés, impénitents, bavant
d’abnégation, Trop beaux pour être au net, en
leurs propos ronflants !
Allons, mes braves, allons !
Que ces rois de l’esbroufe, Aillent se faire voir… Ne
désespérez pas : Le monde en est peuplé. Oubliez
ces pignoufs Et demeurez vous-mêmes : on
ne se refait pas !