Le triste,
le méchant, le joyeux et le fou, Je
t’évoque, Villon, maudit d’un autre temps, Dont
les rythmes, comme un éclair éblouissant, Des
cieux du Moyen Âge ont strié l’azur flou.
Galle
parmi les rues après le couvre-feu Pour
festoyer ensuite à la Pomme de Pin, Ta
bohème commence et de nonchaloir plein,
Chante le Pet au Diable et Tabarie le Gueux.
Va-t’en par les chemins détrousser les marchands
Coquillard éhonté et pauvre de chevance ; Va !
pauvre gueux honni, rythmer dans ta souffrance Ta
profonde nostalgie des neiges d’antan.
Mais
la Coquille est morte et tous les gais compaings Sont
jetés dans les puits, pendus ou échaudés Et
par l’azur noirci des beaux soirs étoilés,
L’Errant demande grâce en dérobant son pain.
Rentre à Paris, Villon, jouer au Trou Perrette,
Léandre renié de Rose ou Catherine, Et
sur un rythme cher, chanter ces gourgandines,
Lourdes d’âmes d’amour de ton coeur de poète.
Fuis
les cours où tu dois plier comme un roseau Car
aucun des puissants ne se souciera mie De
Villon expiant les fautes de sa vie En
l’humide nuit des cachots de Montpipeau.
Puis
sois libre ! voici l’avènement du roy ; Comme
une aube plus blanche après un mauvais rêve,
Sentant couler en toi l’émoi des vertes sèves, Note
une autre nuance aux symphonies du moi.
Va,
plein de clair de lune et du frôlis des vents L’âme
meurtrie à tous les cailloux de la vie
Tisser avec le fil de ton coeur en charpie Aux
trames de misère un poème vibrant.
Et
superbe, maudit, faible, triste et pervers,
Incompris des puissants qui t’ont drapé de crime,
T’éteindre à Saint-Benoît, méprisé, pauvre, infime : Les
aubes sont à naître où fleuriront tes vers…
Que
les grands aient chargé ce génial vagabond Parce
qu’il fut goupil en un siècle de loups,
J’aime à travers les temps mon grand frère Villon, Le
triste, le méchant, le joyeux et le fou !
Musique / Copyright
Jacques Goudeaux 1990 / Dépôt légal SACEM 1998