Selon que vous serez puissant ou misérable

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Extrait 6

[…] C’est à présent que la partie se jouait. Dans le bureau du commissariat mis à sa disposition, l’inspecteur énonçait lentement l’intitulé du rapport à un collaborateur assis devant la machine à écrire. À voir le peu d’entrain que ce dernier mettait à l’ouvrage en tapant fastidieusement sur les touches, on pouvait être certain qu’il n’était guère habitué à ce rôle de secrétaire. Il s’agissait pourtant d’un scénario préparé pour mettre Legay en confiance.
    — Prenez un siège, je vous en prie. Donc, si je reprends mes notes, vous m’avez déclaré qu’avant-hier, vous étiez invité chez votre patron qui désirait vous consulter sur des prises de décisions à venir. C’est bien ça ?
    — Tout à fait.
    — Ce qui nous a d’ailleurs été confirmé par lui-même. Et vous l’avez quitté entre minuit et une heure du matin.
    — Comme je vous l’ai expliqué, je n’ai pas pris garde à l’heure exacte.
    Le tapotement hésitant du clavier couvrait la voix de Perrichon.
    — Donc, le soir du meurtre, reprit une voix derrière lui, Madame vous a concocté une omelette aux cèpes. Veinard !
    Celui-là, il ne l’avait pas entendu venir. Il se retourna d’un bloc pour découvrir un jeune homme de belle prestance qui le contemplait d’un air goguenard et les bras croisés.
    — Vous êtes qui, vous ? Nous n’avons pas été présentés.
    — En effet. Inspecteur Lestrade. Un collègue de Monsieur. Pour vous servir…
    Perrichon reprit l’initiative tandis que l’autre restait en retrait, ce qui mettait visiblement le témoin mal à l’aise.
    — Bon, vous m’avez affirmé être rentré directement à votre domicile. Et là, vous n’avez pas non plus prêté attention à l’horaire affiché sur votre réveil, au moment où vous vous êtes couché ?
    — Je me couche souvent très tard et je dors peu. Mon réveil sonne tous les matins à six heures et demie.
    — La rue de Richemond, ça ne vous évoque rien ? reprit la voix derrière lui.
    — Pas le moins du monde.
    — Parce que c’est là que les secours l’ont ramassé. Il avait reçu un coup de couteau au niveau du thorax.
    Le contraste subit entre ses attentes et la réalité désarçonnait l’intéressé, l’affabilité du premier interlocuteur n’ayant pour but que de l’attirer dans ce qu’il considérait maintenant comme un guet-apens. Comme il avait été naïf ! Bien sûr, Dizieux avait vendu la mèche et l’accusait formellement… Pas d’autre explication. Bon sang ! Comment avait-il pu être aussi maladroit ? Qui plus est, l’attitude de Perrichon avait changé. Il jugea en un coup d’œil que la connivence n’était plus de mise.
    Le flegme, apparemment, n’était pas un point fort de Legay et la colère empourpra son visage. Et toujours le tapotement sec de la machine qui de toute évidence lui portait sur les nerfs.
    — Écoutez, j’en ai assez entendu ! J’ai bien voulu suivre l’inspecteur parce qu’il m’a dit que j’en aurais pour cinq minutes. Je ne suis pas venu ici pour subir un interrogatoire… Et de quel droit, je vous prie ? Je désire contacter mon avocat et vous ne pouvez pas m’en empêcher.

[…]

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