Selon que vous serez puissant ou misérable

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Extrait 1

[…] Pour cinglante qu’elle fût, la réponse n’en était pas moins sujette à caution. Fabien serra les poings. Néanmoins, il ne se laissa pas démonter et après un instant de silence :
    — Le croyez-vous vraiment ? Croyez-vous qu’il suffise de déclamer haut et fort ces vérités qu’on vous a gentiment inculquées pour que vous en soyez le seul détenteur ? Ces vérités qui vous font voir la paille dans l’œil du voisin sans distinguer la poutre qui est dans le vôtre !
    — Donc, d’après vous, je n’aurais pas de libre arbitre ? Ce qui équivaudrait à une forme de manipulation ?
    — Nous ne sommes que le résultat de rencontres hasardeuses, ballottés entre l’opinion des uns et celle des autres, jusqu’à se forger son propre jugement en fonction de ses propres expériences ; mais une chose est sûre, en la matière : la vérité n’existe pas. Pas plus la vôtre que la mienne, d’ailleurs. La différence, c’est que moi, je le sais. Pas vous, apparemment.
    À son tour, son interlocuteur marqua le pas. Fabien ne lui laissa pas le temps de se ressaisir, et d’un ton enjoué, mais cassant, enfonça le clou.
    — Du reste, si les régimes dont vous faites l’apologie avaient été aussi admirables que vous le prétendez, « au paradis sur terre, on y serait déjà », comme disait le poète. À preuve du contraire, je ne pense pas que ce soit le cas. C’est même exactement l’opposé. Si j’avais un conseil à vous donner, je vous dirais simplement : « Apprenez à penser par vous-même. »

    Depuis quelques minutes, le train avait freiné son allure. Des successions floues de bâtiments neufs ou vétustes, hangars, immeubles, zones commerciales, un éventail de rails, de caténaires, le tout s’enchevêtrant dans la grisaille des banlieues.
    Un net ralentissement : on allait entrer en gare. Déjà, certains voyageurs se levaient pour récupérer leurs bagages et le contrôleur qui n’avait plus personne à contrôler se préparait lui aussi à descendre. D’un mouvement de tête, il salua Fabien.

[…]

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