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[…]
Pour lors, il n’avait croisé âme qui vive ; cependant, il lui
fallait éviter le village qu’il décida de contourner par un sentier qui
louvoyait entre les haies. Une chose, à ce moment, lui fit défaut qu’il
ne sut identifier au premier abord. Il s’arrêta. Il discernait à
présent ce murmure imprécis de la bruine qui s’infiltrait avec
insistance et finissait par le glacer jusqu’à la moelle. Il écouta
mieux et brusquement comprit : le chien ne se trouvait plus à ses
côtés. Pendant qu’il poursuivait ses projections mentales, Clairon, peu
habitué à s’aventurer si loin de son fief — sinon durant la saison
de ses vadrouilles donjuanesques —, s’était déguisé en courant
d’air. Une folle angoisse lui comprima la gorge. À plusieurs reprises,
il l’appela : « Clairon, Clairon ! ». Sa voix se
perdit dans l’étoffe de la nuit. Il n’y voyait goutte et dut avoir
recours à la lampe dont la clarté jaunâtre, rendant mouvantes les
ombres et plus opaques les ténèbres, ne le rassura qu’à moitié. Du
moins pouvait-il voir où il posait les pieds. Tant bien que mal, il
reprenait sa marche quand une idée l’atteignant comme un coup de massue
le contraignit à s’immobiliser : le cimetière. Le raccourci le
menait droit vers le cimetière qu’il lui faudrait longer sur une
cinquantaine de mètres. Il faillit céder à la panique et faire
demi-tour. Respirant profondément, il s’obligea à comprimer les
battements de son cœur. Néanmoins, les histoires d’antan
tourbillonnaient dans sa tête. Le grenier de sa grand-mère… Il y avait
trouvé de vieilles cartes postales et l’une d’elles l’avait grandement
marqué : les feux follets en Bretagne.
On y voyait, entouré de mystérieuses créatures en forme de flammes, un
paysan terrorisé levant les bras au ciel et frappant le sol de ses
lourds sabots ; derrière, dans un fond noir, un mur et des croix.
Encore une fois, il se retourna : pas de chien. Ses chaussures
avaient laissé des traînées sombres sur l’herbe. Quoi faire ? Il
se raisonna et reprit sa marche, cramponnant ferme la loupiote et
ébaucha un demi-sourire : au moins, au retour, serait-il
armé ! |
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