Ami Thibaut, bleues sont tes
veines, Noueux tes bras de laboureur
; Ami Thibaut, longue est ta
peine, Courbe l’échine au dur
labeur.
Tant pour la pluie que le
beau temps Que de pater, que d’orémus,
Va-t-en gagner le
droit, pourtant,
De vivre au son de l’angélus.
Afin que monte bien la graine,
Pour que soit belle la récolte,
Tu dois trimer à la semaine
Et sans relâche et sans révolte ;
Puis porter le grain qu’on écrase
Dessous la meule du moulin ...
Toi, besogneux de basse extrace,
Le cul-terreux, toi le vilain,
Toi par tant de maux déchiré,
Il te faut souffrir cent brocards,
Tête basse et les poings serrés
Mais de fierté plein le regard.
Après la taille la gabelle,
Tant de corvées, de tristes tâches,
Patiente car l’hiver t’appelle,
Prends la cognée ou bien la hache…
Ami Thibaut, sans une plainte,
Les mauvais ans rongent tes doigts ;
Sur toi la misère est empreinte
Et jusqu’au chaume de ton toit.
Mais il te reste en te courbant
Le privilège d’espérer
Envers les tiens quelques arpents
De bonne terre à labourer…
Ami Thibaut, bleues sont tes veines,
Noueux tes bras de laboureur ;
Ami Thibaut, longue est ta peine,
Courbe l’échine au dur labeur.
Copyright
Jacques Goudeaux - juin 1994 / Dépôt légal SACEM 1998