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La cime des tuquets m’a sacré
roi du monde je portais la couronne et ne le savais pas j’ai mainmise
sur tout sur la fille profonde les vaillants chevaliers en perdent leur
éclat sur l’armée des enfants qui déchirent les pages sur le sage au
chevet du cheval hennissant sur les riches méplats j’étends mes
paysages sur le rouvre orgueilleux sur la pluie sur le vent vois le
cèpe m’appelle à la goutte du chêne m’écoute le Veneur qui rameute ses
chiens l’or dormira longtemps dans les creuses anciennes sans même
hameçonner j’attrape le marsouin je n’ai plus de maison j’habite le
château où Père m’entraînait entonnant la Briance à la pique du jour
quand se joignent les eaux sous l’ombre du granit et le bruit du
silence sur le parquet ciré je vaque sans patin peu me chaut
l’ascendance et la boue des fratries je ne chantourne pas l’horrible
alexandrin célère je renonce aux vèces et sanies car de mon trône en
buis j’ai condamné le trou pour le cerf altéré je fais jaillir des
sources je commande aux voleurs et j’écoute les fous je disperse des as
aux soufflets de ma bourse je n’ai pas de sujets rien que des
compliments j’avale des babas et des beautés au rhum pour les berceaux
d’osier j’enfante des serpents les postulats sont morts vivent les
théorèmes plus de mètre étalon mais des poulains sauvages il n’est pas
de berger pour garder vos moutons qu’on me donne l’espoir la force et
le courage pour sur le grand damier libérer tous les pions libérer la
montagne aux fleuves souverains Nils m’a fait une place en combattant
les anges et le Mississippi c’est les doigts de la main j’ai rêvé de
l’Amour et je trouve le Gange être aimé me siérait être craint m’est
égal je suis roi mais petit briseur de porcelaine je ne vois pas le
bien mais je connais le mal que l’on devine au loin le rôdeur de ma
plaine j’ordonne les saisons j’ordonne à la lumière je découpe le temps
je réchauffe les nuits je promène mon chat dans le vieux cimetière sur
le parvis je bois la Romanée-Conti riant j’ai dégondé la porte des
prisons sans apprendre je sais maîtriser la musique et je connais par
cœur la foule des chansons mais je prendrai le temps d’écouter vos
suppliques je peux marcher sans trêve au profond des rivières comme un
vieux pèlerin lavé de ses péchés clouer des fleurs au ciel écarter les
barrières et froisser de mes mains le velours du passé je ne fais plus
rimer les rochers de granite roulant vers les ruisseaux qui suintent au
plateau avec les céladons avec l’aluminite en partance devant les fours
du Chinchauvaud sous l’allée du bon dieu les vaches cuivre rouge ont
semé leur médaille et Jammes m’y attend son âne caressant dans les
taches qui bougent j’arriverai radieux gothique flamboyant
l’hypocondrie m’a fui j’ai l’étoffe d’un lion un sac de billes plein et
ce sont des agates qui lancent désormais leur brillance à mon front et
le filon doré plus jamais ne me flatte mon jardin c’est le monde et les
étangs des lacs Silvestre a revendu la Forêt des Coutumes je n’attends
plus la mort je régis l’almanach Monsieur le Contentieux a changé de
costume