Sa
biographie serait incomplète sans une référence à celui qu'il considère
comme son maître, son parent Martial BESSON précité, instituteur et
poête. Cet homme illustre pour son temps et son département, naquit lui
aussi à Lésignac, mais le 29 mars 1856. Après avoir fait ses humanités
à Confolens puis à Chasseneuil sur Bonnieure, il entre par la grande
porte ( boursier et premier ) à l'Ecole Normale de Poitiers. Par la
suite, il concocte une méthode d'enseignement paraît-il très en avance
sur son temps, qui lui vaut l'appellation « d'instituteur-poète ».
Entre autres grands noms, M. BESSON correspond avec Mistral, Coppée et
Verlaine
(alors hospitalisé à Broussais).
L'anecdote veut que Mistral
lui ait conseillé d'écrire en limousin et non en Français, à cause du
surnombre de poètes de langue française ( l'époque étant au félibre ).
Martial repose à Lésignac-Durand dans l'indifférence générale, oublié.
Il est vrai que le sort de son fils Charles durant la dernière guerre
ne fut pas de nature à maintenir son souvenir, du moins dans
l'après-guerre -
Non seulement M. Besson était un poète talentueux, mais il a en outre
fortement contribué à la sauvegarde des archives communales menacées
par la vermine, à une époque où l'on ne parlait de généalogie que dans
des milieux favorisés... et encore !
Le curieux trouvera donc ici un poème de son cru, où se mêlent émotion et emphase propres à cette époque.
REGRET.
« Oh ! Pourquoi n’ai-je appris quelque rude métier
« Capable d’absorber mon être tout entier
« Un métier qui courbât mon crâne vers la terre
« Rompant mon corps, forçant ma pensée à se taire !
« Calme, j’aurais suivi l’uniforme sentier
« Du travailleur suant pour nourrir le rentier ;
« Comprenant les plaisirs simples du prolétaire,
« Je ne marcherais pas rêveur et solitaire.
« Chaque matin, debout au chant du coq — l’hiver
« Comme l’été, — viril, je pétrirais le fer,
« Façonnerais le bois ou bêcherais la glèbe ;
« Satisfait du devoir simplement accompli,
« Mes désirs et mes goûts seraient ceux de la plèbe,
« Et nul deuil sur mon front ne creuserait son pli. »
Poème dédié à Frédéric Mistral, qui fait la réponse suivante :
« Maillane, Bouches-du-Rhône, 30 janvier 1895,
Monsieur,
« Vous êtes un vrai et excellent poète. Vous avez, pas seulement
le métier et l’art d’accomplir des rimes (qui est maintenant le lot
d’un très grand nombre), mais la sincérité, l’émotion, le sens droit
qui vous viennent de vos pères, bons chrétiens du vieux temps. Cela se
voit dans le sonnet parfait que vous m’avez dédié…Pour changer un peu,
pourquoi donc, cher poète, …fils du peuple, n’essayeriez vous pas de
chanter dans la langue du pays où vous naquîtes, car vous êtes, je
crois, Limousin. Et cette œuvre là aurait, je crois, plus de chance de
survie que vos poésies françaises, si exquises soient elles. »
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Contrairement
à ce qu’on pourrait croire, Mistral ne se moquait pas, quand il ajoute
qu’un vieil instituteur de la Drôme promoteur de l’Éducation Nationale
et de la démocratie était mort dans l’oubli le plus total, excepté une
épitaphe en Provençal. Mais il faut relativiser. A l’inverse, c’est son
« Miréio » qui avait rendu Mistral célèbre. Il ne pouvait
donc pas brûler ce qu’il adorait sans tenir compte de son fédéralisme
exacerbé.
(J. Faury)
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